dimanche 1 mai 2011

Albanie

A la descente du bateau, le dépaysement est brutal. Nous nous faufilons a travers la foule qui attend les passagers. Il y a peu de routes en Albanie mais nous commençons par prendre la mauvaise. Demi-tour au milieu d'un grand pont et nous repartons vers le Sud. Entre la route et la mer, nous longeons une enfilade d'immeubles en béton. Certains sont peints et sans fenêtre, d'autres sont termines sur 10 étages puis en construction au dessus. Des hôtels, des restaurants, des commerces... De quoi accueillir des milliers de touristes. Cela paraît démesuré, on nous le confirmera plus tard, la plupart sont vides. La plage est derrière cette barrière de béton. La route est plutôt chaotique. Sur un trottoir, un mouton attache attend... son heure.
De Durres a Roghozine, la route est en cours d'élargissement. Nous alternons entre route défoncée et bitume lisse. Sur le bas-cote ou nous roulons, une rainure salement rebouchée nous embête... et nous embêtera jusqu'à la frontière. Nous ne le savons pas encore... Nous croisons un nombre impression de stations service, a peu près tous les 500m. Une chose est sure, en Albanie, on ne tombe pas en panne d'essence ! Comme nous n'avons pas un Lek en poche, la lecture des prix a la pompe nous donne une idée du cours, environ 140 Lek/euro. Nous croisons aussi beaucoup de casse auto, nous commençons a élaborer une théorie sur l'économie de l'Albanie basée sur la récupération de pièce auto et la construction en béton avec fers a béton en attente... Des bunkers apparaissent comme des champignons dans les champs... vestiges de l'aire sovietique.

En campagne, les maisons sont sur 2 ou 3 étages, toujours en béton. Souvent le rez-de-chaussée n'est pas utilisé, laissé vide sans mur, puis sur le toit terrasse, les fers a béton sont en attente d'un futur étage. Nous apprendrons plus tard que le rez-de-chaussée est garde vide dans l'espoir de faire un magasin, ce qui est souvent difficile en campagne. Et l'étage en attente sera construit lorsque la famille s'agrandira. Nous croisons des charrettes tirées par un âne ou un cheval et des gros 4x4. Souvent, dans les jardins, une vache est attachée à un piquet, des poules vadrouillent, des vignes, un potager. Plus loin, un troupeau de moutons, quelques chèvres. Tout le monde nous salue. Nous sommes plus salué en un jour en Albanie qu'en 2 semaines en Italie. Les gens sont extrêmement gentils et bienveillants. Nous répondons d'un signe de la main et d'un « mirdita » hésitant.

A mi-chemin pour Elbasan, le vent se lève et nous luttons jusqu'au bout. Les panneaux sont très rares et lorsque nous voyons indique plus que 35km nous nous réjouissons. En réalité, il nous en reste 50... Heureusement quelques distractions viennent troubler notre routine de pédaleurs fatigués contre le vent. Sur le bord de la route, une famille travaille a la confection de parpaings. Un peu plus loin, des hommes en costards agitent les bras, crient, se mettent au milieu de la route. Nous nous arrêtons sur le bas cote comme on nous le demande. Nous hésitons entre un vol, une arrestation en cours, le passage du président... Soudain, une moto deboule puis derriere elle une échappée de cyclistes. Ils font demi-tour au milieu de la route puis repartent face au vent dans la cote. Nous repartons derrière eux en les encourageant, sans pour utant les suivre, trop rapide... Nous croisons le peloton, puis ils nous doublent dans l'autre sens. Nous les encourageons en criant « Allez, allez ! » et les organisateurs nous encouragent a leur tour. Les premiers cyclistes levaient le pouce en nous voyant, le reste du peloton en chient comme nous en cote contre le vent. Et pourtant, Nous pédalons plein d'entrain au milieu de cette animation. Un cycliste retardataire nous double, accroché a la portière d'un camion, il la lâche en haut de la cote et poursuit dans l'aspiration. La circulation n'est pas coupée pendant la course d'où l'excitation des organisateurs en bas.

Peu avant Elbasan, l'ancien complexe industriel en décrépitude s'étend sur des km. Dans des ruines, un bergère tricote a cote des son troupeau, un berger somnole. Nous entrons dans le centre d'Elbasan en fin de journée et trouvons très vite le quartier de la citadelle, vieux quartier entoure d'un mur de pierre. Sur l'allée principale qui longe la citadelle, une vieille horloge trône. C'est notre lieu de rendez-vous avec JB et Laurence. Nous les attendons impatiemment.


Nous passons 4 jours chez JB et Laurence. Ça fait du bien de se poser, de se laver... Avec eux, nous découvrons la culture albanaise et comprenons mieux ce que nous avons vu depuis Durres. L'albanais restera difficilement compréhensible même après une semaine. Nous retiendrons surtout « mire mire, shu mire » : bien bien, très bien, que nous disons a tout bout de champ. Nous goutons aux spécialités : fergese, chofte, soflatche, salce kosi, kackavall (prononcer katch kaval en insistant sur les k !) et le Raki, eau de vie locale. Chez JB et Laurence, internet ne marche pas, ou seulement entre minuit et 3h du matin. Nous apprendrons plus tard que le voisins ont piraté la ligne. Nous mettons a jour le blog chez Jean-Luc (Le français d'Elbasan) et Albana. Vers 19h, le soir, nous participons a la promenade journaliere des albnais sur l'allee principale. Tout le monde se montre. Les filles ont des talons impressionnants, des vetements moulants et les gars matent de haut en bas sans scrupule... Nous paraissons bien pouilleux avec nos pantalons de rando.

Laurence est professeur de français au lycée d'Elbasan et nous allons dans son cours parler de notre voyage avec ses élèves. Ils nous posent des questions sur nos motivations, la préparation, l'itinéraire. Nous leur faisons deviner ce que nous avons dans nos sacoches et montrons le matériel. Ils n'ont jamais campé et sont curieux. Ils aimeraient aussi voyager. Et nous apprenons que jusqu'à l'année dernière les albanais ne pouvaient pas sortir de leur pays sans visa. Nous réalisons a quel point nous sommes privilégiés en étant français.

Après une petite séance de maintenance sur le tandem et la préparation de l'itinéraire, nous partons pour 4 jours avec JB vers la Macédoine et la Grèce.

Vendredi 22 avril, nous décollons d'Elbasan avec JB. Il va nous accompagner jusqu'en Grèce puis rentera en Albanie. Nous mangeons un bon byrek (feuilleté garni) bien gras avant de partir puis roulons en direction du lac d'Ohrid. JB nous fait l'effet d'un petit électron libre avec son vélo tout léger comparé a notre poids-lourd. La route monte mais nous avons le vent dans le dos. Après une pause dans un resto en bord de route, ou nous mangeons un pilaf (riz) et un taskebap (viande en sauce) nous repartons. JB monte en stocker sur le tandem et Claire prend le vélo ultra- léger. Elle papillonne autour du tandem, petite vidéo par ci petite photo par la, en attendant la tortue. Le poids ca change tout ! La vallée est de plus en plus encaissée et au loin nous apercevons des montagnes enneigées. Soudain un cyclo allemand nous rejoint. Peter, la cinquantaine et en pleine forme, est parti de Durres ce matin et roule vers Istanbul. Il porte 18kg de bagage uniquement et fait près de 120km par jour, trop rapide pour nous. Plus loin dans la montée, Jean est lessive. Nous voulons avancer encore un peu pour nous approcher du bas du col du lendemain. Jean prend le vélo a son tour et revit ! Claire et JB en chient. JB donne ses premiers coups de pédalent en Mam'out charge en montée et ca zigzague. Les voitures ne nous font pas de cadeaux. Peu après la ville de Prejasi, nous plantons les tentes dans un champs pas loin d'un petit lac et d'une voie ferrée.

Le lendemain matin, le champ ou nous sommes installes va être laboures, il faut décamper. Nous sommes prêts, nous partons grimper le col ou nous passerons la frontière. La chaleur est accablante mais tout le monde nous encourage. Des gamins courent même derrière nous. Les stations de lavage de véhicules se succèdent. Elles se signalent avec un grand jet d'eau qui asperge sur 10m. La montée est longue mais régulière et la vue est magnifique sur les massifs tout autour. Peu avant la frontière, nous apercevons un champ parsemé de bunkers et laboures avec des chevaux. Nous passons la frontière et entrons en Macédoine.