lundi 5 septembre 2011

Iran

Deux jours en Iran suffisent pour anéantir vos préjugés. Les gens vous accueillent, sont prêts à prendre de leur temps pour vous aider, mais ils ne s'imposent pas. Ils sont contents de rencontrer des étrangers. Internet, la télévision et les touristes sont autant de fenêtres sur le monde. Beaucoup de sites internet sont bloqués mais les iraniens sont de bons hackers. Les filtres sautent facilement. Facebook n'est pas accessible et pourtant tout le monde a un compte... La télé par satellite est interdite mais tout le monde a une parabole sur le balcon. BBC émet une chaine en perse et beaucoup de chaines d’opposition émettent via des satellites coréens.
Dans la chaleur étouffante de Téhéran, les jeunes organisent des batailles d’eau mais ça aussi c’est interdit. Des jeunes qui jouant au pistolet à eau pour se rafraîchir ont été arrêtés et le mouvement durement réprimé (Voir l’article sur Courrier international). Merci à JB et Laurence pour le lien. Tous en vous rencontrant veulent vous montrer le vrai Iran. Pas celui des médias d'Europe ni même celui du Gouvernement d’ici. Un Iran cultivé, éduqué et ouvert sur le monde. Un pays qui a le cœur sur la main et l’hospitalité comme règle de conduite.
Nous ne ressentons absolument aucune insécurité même si nous sommes souvent “pris en otage” : baladés et guidés partout, tout le monde est au petit soin. C’est agréable après les lancés de cailloux chez le voisin turc. A ce propos, nous sommes arrivés en train de Van jusqu’à Tabriz et le départ, initialement prévu à 21h mais repoussé à 5h du mat, a finalement eu lieu à 8h ! Toutes les vitres de notre wagon portaient des traces d’impacts de pierres et nous avons rapidement compris pourquoi. Le train s’est ébranlé vers l’Iran et a essuyé des jets de pierres impressionnants. La plupart des lanceurs sont des adolescents, certains sont bergers. Nous avons imaginés qu’ils n’aimaient pas voir passer un train iranien et le temps de ramasser une pierre, ils sont en face du dernier wagon ou nous sommes installés avec le tandem... Une fois passé la frontière, plus rien. 

Nous avons aussi découvert le Ta’arof. Bien que préparés à cette coutume, c’est assez déroutant. Le réceptionniste du premier hôtel à Tabriz nous annonce que la nuit est offerte. Nous nous regardons, un peu interloqués, prêts à remballer nos liasses de millionnaire mais soudain nous nous souvenons, nous le remercions et lui tendons les billets. Tout commerçant pratique le ta’arof, c’est une marque de respect envers son client. Cependant, ce serait bien malvenu de partir sans payer... Parfois, on aimerait bien tellement on ne comprend rien ! 1€ = 15 000 Rials = 1 500 Tomans. Le Rials est la monnaie utilisée sur les billets mais sur les étiquettes et oralement, tout le monde utilise le Toman. Ce qui fait des nœuds au cerveau les premiers jours et des réactions du genre : “Hein, tout ça ?! mais c’est super cher !... Euh, non... si peu ?!...” Finalement, 10 000 Tomans = 10$ et nous prenons nos repères.

L’image traditionnelle de l’Iran que nous pouvions avoir est celle d’une femme en tchador noir de dos marchant sous un soleil de plomb au milieu de maisons de terre. Cette vision est comparable à celle d’une femme dans une robe à fleurs bleues et blanches, d’un gilet de laine bleu marine et d’un protège mise-en-plis en plastique transparent. A la campagne, les traditions sont encore bien ancrées mais peu en ville. Au plus strict, le tchador est noir et seul le visage est visible. Il y a des variantes : satin ou brodé, avec motifs et parfois en couleurs. Tchador signifie tente et c’est un symbole religieux pour les gens pieux.
Le foulard reste obligatoire et est très commun en ville. La couleur et la forme sont libre dans la limite du politiquement correct. Les femmes attachent leurs cheveux en chignons et en quadruple le volume avec des pinces sur lesquelles sont collées d’énormes fleurs en tissus. On ne voit plus que ça ! Les mèches de cheveux volent au vent, les sourcils sont très épilés et le maquillage de poupée est extrêmement à la mode. Les femmes ne peuvent montrer que leur visage alors elles rivalisent d’ingéniosité pour le mettre en valeur. Même sous 40 degrés, elles portent des “manteaux”, tuniques longues, pour cacher leurs formes. Si la tunique est trop courte, la police se charge de vous rappeler à l’ordre.

Pour la génération de nos parents, peu de femmes travaillent en Iran. C’est en train de changer et aujourd’hui, les femmes de notre âge font des études supérieures et travaillent. Qu’elles travaillent ou pas, à la maison, les tâches ménagères sont exclusivement féminines. D’après leurs maris, la cuisine est leur espace de liberté… Dans le bus, hommes et femmes sont séparés. Les femmes montent par les portes arrière. Une barrière sépare les genres. Dans le métro, les wagons de tête et de queue sont réservés aux femmes. Les hommes depuis la barrière mâtent en leur direction. En Iran, il n’y a pas d’école mixte, pas de piscine mixte, pas de file d’attente mixte. A la plage, de grands rideaux permettent aux femmes de se baigner en maillot à l’abri des regards masculins. Seules les universités sont encore mixtes mais plus pour longtemps. Nous vivons ça comme l'apartheid.

Une liberté bien réduite dans l'espace public sauf lorsqu'on est au volant de sa voiture... Sur les routes, c’est le désordre, voire le chaos qui règne. Le premier jour, il est presque impossible de traverser une rue de Téhéran. Il faut sentir le bon moment, se lancer puis slalomer entre les voitures. Les passages piétons sont presque inexistants et quand il y en a piétons et voitures ne respectent pas les feux rouges ! Sur la route, il est régulièrement rappelé aux automobilistes : “Keep right”… Ce qui ne les empêche pas de couper le trafic de la direction opposé des 4 voies en risquant de se faire emboutir par un gros camion 2426. C’est un vieux poids lourd Mercedes Bens qui ressemble au 911 d’Oliver et Marie en encore plus gros, il y a en pleins ici ! Quelques fonctionnaires tentent de faire appliquer le code de la route... en vain. Motards sans casque, véhicules sans éclairage, clignotants en option, priorité au plus fort aux intersections, feux rouges cramés, changements de file intempestif, motards à contre-sens et sur les trottoirs, et le piéton tente de survivre.
En vélo, c’est assez déroutant car les voitures stationnées en double file s’engagent sur la route, puis dans un second temps (éventuel) le conducteur regarde par la fenêtre... La notion d’angle mort semble inexistante. Nous jouons du klaxon, nous nous imposons et ça passe ! Pas d’incident à déclarer. Enfin, nous décernons à l’Iran le titre de champion du monde de la marche arrière sur bande d’arrêt d’urgence des 4 voies. L’Albanie n’a pas pu conserver son titre devant une telle maitrise... Mais que fait la police !

Elle surveille les plages de la mer Caspienne !
La mer est belle, turquoise, un vert mêlé de bleu et presque propre. Deux militaires en treillis, matraque à la ceinture, sillonnent la plage de long en large en regardant vaguement la mer et joue du sifflet intempestivement. Les femmes se baignent toutes habillées et les hommes sont en marcel au plus découvert. Tiens, il y a un gars qui matte la plage avec des lunettes teintées… Ah il a disparu, ce devait être un espion ! Et ici, des couteaux de cuisine de 40cm à vendre… Hum, non merci.
Sur la plage, on peut faire du cheval, se faire prendre en photo par des photographes en moto qui circulent entre les serviettes et faire du scooter des mers à dix centimètre des baigneurs…
Les militaires font de nouveau joujou avec leur sifflet d’arbitre. Un 4x4 surgit sur la plage et beugle au haut-parleur de sortir de l’eau. Que ce soit clair :
Y a pas le droit de faire de photo des militaires occupés à ne rien surveiller et faire les kékés
Y a pas le droit de fumer sur la plage
Y a pas le droit de jouer dans les vagues
Y a pas le droit de manger, de boire, ni de s’amuser
C’est Ramadan...

C’est un peu compliqué de rouler en Iran en plein été et pendant le Ramadan. On peut manger et boire car nous sommes étrangers et en voyage mais nous évitons de le faire en public. Le plus dur reste de trouver de la nourriture : les restaurants sont fermés et il n’y pas beaucoup de superette bien achalandées. Nous pourrions en revanche avoir un régime chips-Coca Cola-Petit Beurre sans aucun souci ! Oui oui il y a du Coca-Cola en Iran. Sur Facebook un sondage a été lancé sur la question du jeune en Iran ? Sur 100 000 participants 50% le respectent. Le soir, les gens s’invitent à rompre le jeune entre amis ou en famille. Nous découvrons alors le sens initial des mots «Breakfast » et « déjeuner ». Tout s’éclaire ! Au coucher du soleil, à la rupture du jeune, un premier repas est servi avec traditionnellement de la soupe, des tourtes salées, de la salade et des pâtisseries. Puis une bonne heure plus tard, un deuxième repas avec du poulet et du riz au safran... Et à 4h du matin, rebelote ! Nous avons du mal à suivre leur rythme !

Quelques petits détails qui nous ont marqués :
L’alcool est interdit et pourtant on nous a offert à boire du Whisky, du Martini et du vin artisanal. Mais comment est-ce possible demandons-nous naïfs ? Nous n’avons pas très bien compris d’où ça venait mais apparemment il suffit d’appeler quelqu’un que tu retrouves quelque part et tu peux avoir tout ce que tu veux.

En Iran, le copyright n’existe pas. On peut traduire un bouquin en perse et le publier sur Internet très facilement.

En Turquie, un ami nous a donné une bombe anti-agression, Claire ne la lâche plus d’une semelle. Mais en voulant faire l’extension de visa à Téhéran nous nous sommes rendus dans un poste de police administratif. Fouille à l’entrée et jackpot, la petite française s’est fait prendre. C’est interdit en Iran. Interrogatoire tandis que Jean patiente. Bref, ce n’est pas aujourd’hui qu’on va faire nos papiers… A Mashhad, nous allons au site de pèlerinage shiite de l’Imam Reza. Dès les barrières d’accès, la question tombe : « Etes-vous musulman ? » - Ben non… « Alors dehors ! » Apres discussion et quelques coups de fil la situation se détend. Mais à la fouille à l’entrée le couteau suisse de Claire est découvert, demi-tour. L’appareil photo est interdit donc on doit le placer en lieu sûr… Pour le couteau, on trouve une ruse de sioux et ça passe la seconde fois. Enfin dans l’enceinte un homme s’approche de nous et explique que les manches du t-shirt de Jean sont trop courtes et que ses cheveux sont trop long ! Nous réussissons finalement à visiter le site.

Tout le reste est comme sur les photos : magnifique. C'est une sacrée découverte et nous en avons pris plein les mirettes... Merci a tous ceux qui nous ont aidés pendant ces 5 semaines.